Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/74

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— monsieur, vous auriez cru entendre Socrate lui-même. — Tout respiroit en lui le mépris de la vie, et l’indifférence sur les moyens d’en sortir.

Ma mère avoit peu lu ; mais d’après ce que je viens de dire, l’extrait du discours de Socrate ne devoit pas lui paroître étranger. Elle le prit à la lettre. Elle écoutoit avec attention et recueillement, et auroit écouté ainsi jusqu’au bout, — si mon père ne s’étoit jeté, sans trop savoir pourquoi, dans cette partie du plaidoyer, où le grand philosophe récapitule ses liaisons, ses alliances, ses enfans ; mais sans se flatter que le tableau puisse le sauver, ou faire impression sur ses juges. — « J’ai des amis, s’écrioit mon père ; — j’ai des parens ; j’ai trois malheureux enfans ! » —

« Comment donc ! monsieur Shandy, dit ma mère en ouvrant la porte, c’est un de plus que je ne vous connoissois. » —

« Par le ciel ! c’est un de moins, » dit mon père, en se levant et en quittant la chambre. —