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Page:Sterne - Œuvres complètes, t3-4, 1803, Bastien.djvu/83

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, dans le sens littéral de la doctrine reçue, il se contentoit d’en prendre l’allégorie. Il disoit souvent, surtout lorsque sa plume étoit un peu paresseuse, qu’il y avoit autant de sens, de vérité et de connoissance cachées dans la parabole de Jean de la Casa, que dans aucune des fictions poëtiques, ou des annales mystérieuses de l’antiquité.

« Le diable, disoit-il, n’est autre chose que le préjugé : la quantité de préjugés que nous suçons avec le lait de nos mères, voilà, frère Tobie, les diables qui rodent autour de nous, qui président à nos veilles ; et si un écrivain s’abandonne lâchement à leur impulsion, que sortira-t-il de sa plume ? — Rien, s’écrioit-il, en jetant la sienne avec colère, — rien que le résultat trivial du caquet des nourrices, et des absurdités de toutes les bonnes femmes (je dis des deux sexes), dont le royaume est peuplé. »

Je n’entreprendrai pas de donner une meilleure raison de la lenteur avec laquelle mon père avançoit sa Tristrapédie. J’ai déjà dit qu’après trois ans et plus d’un travail opiniâtre, il en étoit à peine à la moitié. Ce qu’il y eut de fâcheux, c’est que, pendant tout ce temps, je fus négligé, et entièrement abandonné à ma mère ; et ce qui n’étoit pas