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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/129

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ses poches : je tenois le second, tandis qu’elle y fourroit le premier, et elle tint sa poche ouverte afin que j’y mise l’autre. Qu’il est doux de sentir la finesse, des liens qui attachent nos affections !

Nous nous remîmes encore en marche… et nous n’avions pas fait trois pas, qu’elle me prit le bras. — J’allois l’en prier, mais elle le fit d’elle-même, avec cette simplicité irréfléchie qui montre qu’elle ne pensoit pas du tout qu’elle ne m’avoit jamais vu… Pour moi, je crus sentir si vivement en ce moment les influences de ce qu’on appelle la force du sang, que je ne pus m’empêcher de la fixer pour voir si je ne trouverois pas en elle quelque ressemblance de famille… Hé ! ne sommes-nous pas, dis-je, tous parens ?

Arrivés au coin de la rue Guénégaud, je m’arrêtai pour lui dire décidément adieu. Elle me remercia encore, et pour ma politesse, et pour lui avoir tenu compagnie. Nous avions quelque peine à nous séparer… Cela ne se fit qu’en nous disant adieu deux fois. Notre séparation étoit si cordiale, que je l’aurois scellée, je crois, en tout autre lieu, d’un baiser de charité aussi saint, aussi chaud que celui d’un apôtre.

Mais à Paris il n’y a guère que les hommes