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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/247

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LA FAUSSE DÉLICATESSE.


Ma résolution une fois prise, je me mis à préparer les excuses que la politesse vouloit que je fisse à la belle piémontoise, pour un départ aussi brusque ; c’étoit une infraction au traité que nous avions fait ensemble, et qui me lioit jusqu’à Turin. Il me falloit donc un manifeste apologétique. Si notre première convention avoit essuyé quelques atteintes, les incidens et accidens qui avoient occasionné cette apparence de violation, pouvoient tenir lieu de justification. Mais ici c’étoit violer ouvertement un second traité, après une ratification solemnelle et religieuse. Comment donc ose-t-on faire aux potentats de la terre un crime d’une reprise d’hostilités, après un traité définitif, quand on voit cette foule d’événemens inattendus, et imprévus qui peuvent r’ouvrir le temple de Janus. Pendant que je faisais ce beau soliloque, la dame entra dans ma chambre et me dit que les voituriers étoient prêts, ainsi que leurs mulets. — Eugène, si la rougeur peut être un signe de modestie naturelle, ou de honte, et non la marque du crime, je t’avouerai que mon visage devint cramoisi,