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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/248

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et que ma langue me refusa le service. — « Madame… une lettre, je ne pus en dire davantage. Elle vit ma confusion, mais elle ne fit pas semblant de s’en appercevoir.

« Nous resterons, monsieur, jusqu’à ce que vous ayez fini votre lettre. » — Mon trouble redoubla ; et ce ne fut qu’après une pause de quelques minutes, qu’appelant à mon aide toutes les puissances de la résolution et de l’amitié, je pus lui dire : « Il faut que j’en sois moi-même le porteur. »

T’est-il jamais arrivé, dans un besoin pressant, de t’adresser à un ami équivoque pour lui demander de l’argent ? Que se passoit-il alors dans ton ame, pendant que tu examinois l’agitation de ses muscles, que tu voyois la terreur ou la compassion se peindre dans ses yeux ; et que ton homme faisant taire les tendres émotions du cœur et se tournant vers toi, avec un sourire malin, te demandoit : « où sont mes sûretés ? » As-tu jamais brûlé pour une beauté impérieuse, dans laquelle tu avois concentré tes vœux, tes espérances, et ton bonheur ? C’en est fait : la résolution en est prise. Tu lui découvres le secret de ton cœur : tu tiens, dans ce moment terrible, les yeux fixés sur les siens. Malheureux, que vas-tu devenir ? Son indignation éclate : cha-