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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/280

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LA RENCONTRE INATTENDUE.


Comme je tournois le coin de la rue de la Harpe, en me retirant de chez mademoiselle Lacour, le jour commençant à poindre, j’entendis partir d’un fiacre un hist, hist, hist. Ce sifflement eût fait du mal aux oreilles d’un acteur, ou d’un écrivain dramatique : car pour peu qu’on fût enclin à la superstition, on pouvoit le prendre pour le présage d’une chute prochaine. Mais comme je n’ai jamais monté sur les planches, ni composé de comédie, tragédie, ou farce, ce bruit ne me choqua pas, comme il auroit pu le faire si je m’étois trouvé dans un des cas dont je viens de parler.

Je me retournai, et j’aperçus mon abbé d’un jour qui tendoit sa tête hors de la portière du fiacre, et me faisoit des signes. « Ciel ! qu’est-ce que cela veut dire ! il aura été pris par la maréchaussée, ou par les gens du guêt ; et on le mène au Châtelet ou à Bicêtre. — Heureusement, il n’en étoit rien. Mais ayant appris de l’homme honnête chez lequel il logeoit, que ces messieurs étoient à sa poursuite, et que pour prévenir des conséquences qui pourroient être fâcheuses, il n’avoit pas