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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/281

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d’autre parti à prendre que de battre en retraite, aussitôt qu’il feroit jour, M. l’abbé partoit pour la Flandre.

J’éprouvai dans cette occasion un sentiment confus de peine et de satisfaction. — Je souffrois en pensant que ce malheureux jeune homme étoit ainsi persécuté pour un événement qu’il s’étoit efforcé de prévenir ; — mais d’un autre côté, j’étois bien aise de savoir qu’au bout de quelques heures, il auroit dépassé les frontières de France, et seroit à l’abri des poursuites de la justice.

En prenant congé de lui, après une scène des plus attendrissantes, je ne pus m’empêcher de lui faire entendre qu’un départ aussi précipité, et une route aussi longue pourroient épuiser ses finances plutôt qu’il ne l’auroit prévu.

Il me répondit qu’il avoit autant d’argent qu’il lui en falloit pour gagner Niewport, et que de là il écriroit à ses amis.

Oh ! Eugène, tu connois ma façon de penser sur ce sujet. Je n’osai pas insister, de crainte d’offenser une délicatesse dont je me sentois moi-même très-susceptible. — Je me retirai en versant un torrent de larmes aussi involontaires qu’elles étoient sincères.