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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/375

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fournir des secours surnaturels, d’où vient qu’il est lui-même dans le besoin, opprimé par la faim et la soif.

Oui. La veuve de Sarepte agit par un pur mouvement d’humanité ; elle regarda le prophète comme le compagnon de ses peines : elle considéra qu’il venoit de parcourir un pays épuisé par les feux de la sécheresse, où la libéralité seule pouvoit procurer un peu de pain et d’eau ; que le voyageur malheureux étant un étranger inconnu, ce titre, qui sembloit devoir lui trouver des amis, aggravoit son infortune ; elle réfléchit (la charité est inventive) qu’il étoit peut-être bien éloigné de sa patrie, et hors de la portée des bons offices qu’auroit pu lui rendre ceux qui, dans ce moment, pleuroient sur son absence. Son cœur fut attendri de pitié ; elle se tourna vers lui en silence, et lui accorda ce qu’il avoit dit, et voilà qu’elle, son fils et ses domestiques mangèrent plusieurs jours, et que le baril de farine et la cruche d’huile ne tarirent pas jusques au jour que Dieu envoya la pluie sur la terre.

Le danger de la famine étant passé, sans doute cette mère affectueuse jeta un regard d’espoir sur le reste des jours de sa vie ; cela étoit naturel. Il y avoit beaucoup de