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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/385

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racines de la pitié ; les tyrans mêmes ne peuvent pas les en extirper entièrement.

Mais je peins la plus aimable des vertus avec les ombres que la méchanceté me fournit, tandis que nous devons nous livrer à ses charmes naturels, et demander s’il existe sous le ciel rien d’aussi délicieux qu’elle ? rentrons en nous-mêmes, et pour un moment imaginons que nous avons à tracer le plus parfait caractère, celui qui, selon nos idées sur la nature de Dieu, peut lui plaire davantage, et faire l’admiration du monde entier. J’en appelle tout de suite à notre réflexion. La première idée qui a frappé notre esprit ne nous a-t-elle pas représenté le bienfaiteur compatissant tendant sa main à l’orphelin et à la veuve ? de quelques vertus que nous ayons voulu parer notre héros, nous nous sommes tous accordés à en faire un ami généreux qui pense que le seul charme de la prospérité est de faire du bien ; nous l’avons peint sous l’emblème de cette rivière de Dieu, arrosant la terre altérée, et enrichissant les hommes, portant parmi eux l’abondance et la joie. Si cela ne suffisoit pas, et que nous voulussions ajouter un nouveau degré de perfection à ce portrait, au cas que la nature humaine pût nous fournir un patron, nous