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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/414

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l’insultèrent cruellement et soupçonnèrent sa probité. Ô Dieu ! qu’est-ce que l’homme quand tu l’accables ainsi ? quand tu appesantis le fardeau à mesure que tu ôtes les forces ? quand il devient ainsi l’exemple des vicissitudes de la fortune ? quand il se voit arracher toutes les bénédictions qu’un moment auparavant ta providence accumuloit sur sa tête ? quand, après avoir réfléchi sur la multitude des jouissances assemblées autour de lui, il les voit dans un jour enlevées jusqu’au niveau du sol, et s’évanouir comme la description d’un rêve enchanteur ? quel est l’homme qui, venant d’éprouver une révolution si subite, eût fait les belles réflexions de Job, et dit avec lui ? « Que l’homme né de la femme est un être de peu de jours, pleins d’amertumes, qu’il pousse comme une fleur, et est moissonné comme elle, qu’il vole, et passe comme une ombre. »

Ces paroles expriment bien succinctement la vanité naturelle et morale de l’homme, et elles se divisent en deux propositions distinctes.

1°. L’homme est un être de peu de jours. 2°. Les jours sont remplis d’amertume. Je ferai quelques réflexions sur ces deux propositions.