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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/417

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et que la fleur se desséche sur sa tige.

C’en est assez sur cette comparaison poétique et sublime du saint homme Job.

« Il vole et s’échappe comme une ombre. » Celle-ci n’est pas moins une magnifique représentation de la brièveté de la vie humaine ; on ne peut en sentir la vérité qu’en rapprochant le tableau de l’original d’après lequel il a été copié. Avec quelle vitesse en effet passent sur notre tête les jours, les mois, les années ? n’est ce pas comme une ombre qui vole, et laisse à peine une impression légère sur nous ? lorsque nous nous efforçons de les rappeler par la réflexion, et de concevoir comment ils se sont écoulés, quel est celui de nous qui peut s’en rendre un compte satisfaisant ? oui, sans quelques événemens remarquables qui ont distingué quelques époques de cette durée, nous la regarderions comme Nabuchodonosor regardoit à son réveil le rêve qui l’avoit occupé pendant la nuit ; il savoit que quelque chose avoit passé et l’avoit troublé ; mais cela avoit passé si légèrement et si vite, qu’il ne pouvoit pas trouver la trace sur laquelle il pût le chercher. Oh que le tableau de la vie humaine est mélancolique ! elle s’écoule de telle manière qu’on peut à peine réfléchir comment elle s’écoule.