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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/418

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Nos premières années glissent sur les plaisirs innocens de l’enfance, et nous ne pouvons pas méditer sur elles. Une jeunesse insouciante leur succède, et nous ne voulons pas réfléchir ; ardens à la poursuite des plaisirs, avons-nous le temps de nous arrêter pour les considérer ?

Quand nous atteignons un âge plus grave et plus sensé, et que nous commençons à réformer nos mœurs et notre conduite ; alors les affaires et les intérêts de ce monde, les projets et la manière de les exécuter nous occupent tellement, qu’ils ne nous laissent pas le temps de penser à ce qui n’est pas eux. À mesure que notre famille s’accroît, nos affections augmentent, et avec elles se multiplient les soins et les soucis que nous donne l’établissement de nos enfans. Ces soins nous assaillent si secrètement, ils s’emparent de nous si long-temps, que nous sommes surpris par des cheveux blancs, avant que d’avoir trouvé le loisir de réfléchir sur le temps qui s’est écoulé, les actions qui en ont rempli la durée, et le dessein pour lequel Dieu nous a envoyés dans ce monde. On peut donc dire, avec raison, que l’homme est un être de peu de jours, quand on le rapproche de la succession hâtive des choses