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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/458

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D’anciennes querelles de religion, les pires, de toutes les querelles, avoient semé une telle zizanie entr’eux, qu’ils se tenoient mutuellement dispensés non-seulement de tous les devoirs de l’amitié, mais encore des actes les plus communs de la civilité et de l’humanité. Telle étoit du vivant de notre Seigneur la force de ce préjugé, que la femme de Samarie sembla étonnée que lui Juif demandât de l’eau à elle Samaritaine ; d’après ces principes, quelque pitoyable que fût l’accident de l’infortuné voyageur, quelque faveur qu’il eût en plaidant devant son cœur la cause de la pitié, il avoit fort peu de secours et de consolation à attendre de ce côté-là.

« Hélas ! pouvoit-il dire, deux fois on a passé à côté de moi, j’ai été négligé par des gens de ma nation et de ma religion, par des gens astreints par tant de devoirs à me secourir, un prêtre et un lévite à qui leur profession prescrivoit la pitié, et que leurs connoissances enseignoient à me secourir, m’ont laissé sans aide ; que dois-je je espérer ? que dois-je attendre d’un passant, d’un étranger, d’un Samaritain enfin, délié de toute obligation envers moi, enflammé au contraire d’une haine nationale mortelle contre moi, mon ennemi, et