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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/47

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Le pauvre moine devint rouge comme de l’écarlate… Mon Dieu ! dit-il en serrant ses mains l’une contre l’autre, vous n’avez jamais été brusque à mon égard… Oh ! pour cela, dit la dame, je crois qu’il en est incapable. Je rougis à mon tour… Et quelle en fut la cause… Je le laisse à deviner à ceux qui ont du sentiment… Pardonnez-moi, Madame, je l’ai traité très-rudement et sans aucune provocation de sa part… Cela est impossible, dit-elle… Mon Dieu, s’écria le moine avec une vivacité qui lui paroissoit étrangère, la faute en fut à moi et à l’indiscrétion de mon zèle. La dame dit que cela ne pouvoit pas être ; et je m’unis à elle pour soutenir qu’il étoit impossible qu’un homme aussi honnête que lui pût offenser qui que ce soit.

J’ignorois, avant ce moment, qu’une dispute pût causer une irritation aussi douce et aussi agréable dans toutes les parties sensitives de notre existence. Nous restâmes dans le silence… et nous y restâmes sans éprouver cette peine ridicule que l’on ressent pour l’ordinaire dans une compagnie où l’on s’entreregarde dix minutes sans dire mot. Le moine, pendant cet intervalle, frottoit sa tabatière de corne sur la manche de son froc… Dès