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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/48

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qu’il lui eut donné un peu de lustre, il fit une profonde inclination, et me dit qu’il ne savoit pas si c’étoit la foiblesse ou la bonté de nos cœurs qui nous avoit engagés dans cette contestation… Quoi qu’il en soit, Monsieur, je vous prie de faire un échange de boîtes… il me présenta la sienne d’une main, et de l’autre tenant la mienne, il la baisa, les yeux humides de larmes, la mit dans son sein et s’en alla sans rien dire.

Ah !… je conserve sa boîte… elle vient au secours de ma religion, pour aider mon esprit à s’élever au-dessus des choses terrestres… Je la porte toujours sur moi… elle me fait souvenir de la douceur et de la modération de celui qui la possédoit, et je tâche de le prendre pour modèle dans tous les embarras de ce monde. Il en avoit essuyés beaucoup. Son histoire qu’on m’a racontée depuis, étoit un tissu de peines et de désagrémens ; il les avoit supportés jusqu’à l’âge de quarante-cinq ans : mais alors, accablé par le chagrin de voir que ses services militaires étoient mal récompensés, et éprouvant en même-temps des revers dans la plus tendre des passions, il abandonna l’épée et le beau sexe à-la-fois, et se retira dans le