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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/482

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de jugement à la place de la raison : si tout cela étoit, je l’avoue, l’état moral et religieux de l’homme seroit ce qu’il estimeroit lui-même ; son innocence ou ses crimes seroient déterminés par le degré d’approbation ou de censure qu’il donneroit à ses actions.

Je conviens qu’un homme est coupable quand sa conscience l’accuse ; elle se trompe rarement. À moins qu’il ne soit affecté de mélancolie et de marasme, on peut assurer qu’il existe un motif d’accusation.

Mais la proposition inverse n’est point vraie. Il n’est pas vrai que lorsqu’il est coupable sa conscience l’accuse, et qu’il est innocent quand elle ne l’accuse pas. Un chrétien aura beau se donner quelques heures de consolation et remercier Dieu de ce que son cœur ne lui reproche rien, et de ce que sa conscience est bonne, parce qu’elle est tranquille ; cette conséquence est fautive. Quelques brillans que soient les argumens dont on l’étaye, quelqu’évidente que paroisse cette proposition, quand on l’examine de près, et qu’on fait l’épreuve de l’axiome par l’expérience, combien d’erreurs et de fausses applications ne découvre-t-on pas ! Le principe sur lequel on s’appuie s’écroule de tous côtés, il se renverse, tombe, et il est bien difficile de