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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/50

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pâle et inanimé sembloit avoir repris pendant cette action son coloris le plus brillant.

Les deux voyageurs qui m’avoient parlé dans la cour, vinrent à passer dans ce moment critique, et s’imaginèrent que nous étions pour le moins mari et femme. Le voyageur curieux s’approcha, et nous demanda si nous partions pour Paris le lendemain matin… Je lui dis que je ne pouvois répondre que pour moi-même. — La dame ajouta qu’elle alloit à Amiens….. Nous y dînâmes hier, me dit le voyageur simple. Vous traverserez cette ville, me dit l’autre, en allant à Paris. J’allois lui faire mille remercîmens de m’avoir appris qu’Amiens étoit sur la route de Paris… mais je tirai de ma poche la petite boîte de corne de mon pauvre moine pour prendre une prise de tabac… Je les saluai d’un air tranquille, et leur souhaitai une bonne traversée à Douvres… Ils nous laissèrent seuls…..

Mais, me disois-je à moi-même, quel mal y auroit-il que j’offrisse à cette dame affligée la moitié de ma chaise ?… Quel grand malheur pourroit-il s’ensuivre ?

— Quel malheur ? s’écrièrent en foule toutes les passions basses qui se réveillèrent en moi… Ne voyez-vous pas, disoit l’Avarice,