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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/60

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DANS LA RUE.
Calais.


Elle ne m’eut pas sitôt quitté, que je commençai à m’ennuyer. Il me sembloit que les minutes étoient des heures, et je n’ai jamais fait un marché de douze guinées aussi promptement dans toute ma vie, que celui de ma chaise. Je donnai ordre qu’on m’amenât des chevaux de poste, et je dirigeai mes pas vers l’hôtellerie.

Ciel ! dis-je en entendant quatre heures sonner, et en faisant réflexion qu’il n’y avoit guère plus d’une heure que j’étois à Calais…

Quel gros volume d’aventures, en cet instant si court, ne pourroit pas produire un homme qui s’intéresse à tout, et ne laisse rien échapper de ce que le temps et le hasard lui présentent continuellement ! Je ne sais si cet ouvrage aura jamais quelqu’utilité ; peut-être qu’un autre réussira mieux. Mais qu’importer c’est un essai que je fais sur la nature humaine… il ne me coûte que mon travail ; cela suffit, il me fait plaisir ; il anime la circulation de mon sang, dissipe les humeurs sombres, éclaire mon jugement et ma raison.