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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/626

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prive de plus de la moitié des plaisirs de la vie, par la crainte que cette femme ne l’en punisse, n’importe de quelle manière. Il a de la fortune, de l’intelligence et du courage : — il aime la société, dont il fait un des principaux ornemens ; — cependant, combien de fois ne la quitte-il pas au milieu de ses plaisirs ! et pour parler d’une manière plus positive, combien de fois ne quitte-t-il pas nos douces entrevues classiques avant qu’elles soient parvenues à leur degré de vivacité ordinaire ; le tout par complaisance pour ce petit objet de honte, qu’il n’a pas le courage de renvoyer sur les bords de l’Wye, où cinquante guinées par an, en feroient la reine du village ! — nous plaignons le pauvre A…, nous disputons avec lui, nous l’admirons ; — que ne faisons-nous pas ? — mais en cela, nous nous abusons nous-mêmes ; — car le plus sage et le meilleur d’entre nous se laisse gouverner par quelque petite vilaine espèce d’opinion, dont la domination est aussi déshonorante, et peut-être plus nuisible, puisqu’elle peut souiller tout le cours de notre vie. Malgré toutes les séductions et les ruses d’une maîtresse, ou peut prendre son parti définitif, et la congédier ; mais l’opinion une fois enracinée, devient partie