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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/682

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même ; ensuite elle me pria de ne pas différer l’occasion de vous présenter vous à sa table, et à vous celle qui en est la maîtresse. Je lui parlai de l’incivile distance de quelque centaine de milles, au moins, qui se trouvent entre nous ; mais je promis et je jurai, — car je fus obligé de faire l’un et l’autre, — que dès que je pourrois me saisir de votre main, je vous conduirois à son vestibule. — Je commence réellement à croire que, par vous, j’obtiendrai quelque crédit.

Je n’ai pas à peine à me persuader que l’amour soit sujet à des paroxismes violens, comme la fièvre ; mais tant de plaisir accompagne cette passion : en général, elle produit des sympathies si douces ; — quelquefois elle est si promptement, et souvent si facilement guérie, qu’en vérité, je ne puis plaindre ses disgrâces du même ton de pitié dont j’accompagne mes visites consolatrices à des infortunes moins ostensibles. — Dans la triste et dernière séparation des amis, l’espérance nous console par la perspective d’une éternelle réunion, et la religion nous porte à y croire : — mais, dans l’histoire mélancolique que vous rapportez, je vois ce qui m’a toujours paru le spectacle le plus désespérant que puisse offrir la sombre région des