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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/683

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misères humaines. Je me figure la pâle contenance de quelqu’un qui a vu les plus beaux jours, et qui succombe au désespoir de les voir renaître. L’homme abattu par une infortune non méritée, et privé de toute espèce de consolation, est dans un état sur lequel l’ange de la pitié verse le trésor de ses larmes.

Je ne vous envie point, mon cher enfant — non je ne vous envie pas — vos sentimens, car je suis sûr que je les partage ; mais si je pouvois vous envier une chose qui vous fait tant d’honneur, et qui m’engage à vous aimer, s’il est possible, plus que je ne le faisois auparavant, — ce seroit le petit édifice de consolation et de bonheur que vous avez construit dans les profondeurs de la misère. Peut-être n’occupera-t-il que peu de place dans ce monde — mais, semblable au grain de sénevé, il croîtra et portera sa tête dans les cieux, ou l’esprit qui l’a érigé vous élèvera vous-même un jour.

Robinson vint me prendre hier pour me mener dîner, place Berkeley ; — et tandis que je m’habillois, je lui donnai votre lettre à lire. Il la sentit comme il le devoit ; non-seulement il me pria de vous dire quelque chose de flatteur de sa part, mais lui-même il dit mille choses agréables sur votre compte