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Page:Sterne - Œuvres complètes, t5-6, 1803, Bastien.djvu/720

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Pensées

caresser une fille en plein marché, pour être convaincu.

Combien le système de l’amour platonique seroit beau, s’il pouvoit se réaliser ! que ses extases seroient pures et séraphiques ! deux cœurs fidèles, doucement agités dans la même sphère d’attraction, le même sistole, le même diastole, sujets au même flux et reflux, et se rapprochant toujours plus près l’un de l’autre, par la compulsion la plus agréablement insensible, comme les asymptotes d’une hyperbole, sans jamais coïncider ensemble et rencontrer le point de contact !

Rien ne rappelle si puissamment notre ame que l’infortune. Les fibres tendues se relâchent ; alors l’ame égarée se retire en elle-même, s’assied toute pensive, et admet en silence la salubrité des réflexions. Si nous avons un ami, nous pensons aussitôt à lui ; si nous avons un bienfaiteur, ses bontés pressent alors sur notre cœur. Grand Dieu ! n’est-ce pas par cette raison, que ceux qui t’ont oublié dans leur prospérité, reviennent à toi dans leurs chagrins ? quand ils abattent nos esprits affligés, à qui pouvons-nous plus sûrement recourir qu’à toi, qui connois nos besoins, qui tiens en dépôt nos larmes dans ton sein, qui vois nos moindres pensées,