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Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. Varlet.djvu/167

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LA PALANQUE

n’était pas mort quand je suis arrivé auprès de lui, non, pas encore.

— Après ? fit le capitaine Smollett, aussi impassible que jamais.

Tout ce que Silver venait de lui dire était pour lui de l’hébreu, mais on ne l’aurait jamais cru à son intonation. Quant à moi, je commençais à deviner. Les derniers mots de Ben Gunn me revinrent à la mémoire. Je compris qu’il avait rendu visite aux flibustiers pendant qu’ils gisaient tous ivres morts autour de leur feu, et je me réjouis de calculer qu’il ne nous restait plus que quatorze ennemis à combattre.

— Eh bien, voici, dit Silver. Nous voulons ce trésor, et nous l’aurons : voilà notre point de vue. Vous désirez tout autant sauver vos existences, je suppose : voilà le vôtre. Vous avez une carte, pas vrai ?

— C’est bien possible, répliqua le capitaine.

— Oh ! si fait, vous en avez une, je le sais… Ce n’est pas la peine d’être si raide avec les gens, cela n’a rien à voir avec le service, croyez-moi… Ce que je veux dire, c’est qu’il nous faut votre carte. Mais je ne vous veux pas de mal, pour ma part…

— Ça ne prend pas avec moi, mon garçon, interrompit le capitaine. Nous connaissons exactement vos intentions, et peu nous importe, car désormais, sachez-le, vous ne pouvez plus les réaliser.

Et, le regardant avec placidité, le capitaine se mit à bourrer une pipe.

— Si Abraham Gray… commença Silver.

— Assez ! cria M. Smollett. Gray ne m’a rien raconté, et je ne lui ai rien demandé ; et qui plus est, je préférerais vous voir, vous et lui et toute cette île, sauter en l’air et retomber en mille