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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/108

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« fouetté ». Ainsi bourrés de sentiments suggérés nous paraissons aux portes de la majorité et sommes déclarés « majeurs ». Notre équipement consiste en « sentiments élevés, pensées sublimes, maximes inspiratrices, éternels principes, etc. » On pousse les jeunes en troupeau à l’école afin qu’ils apprennent les vieilles ritournelles et quand ils savent par cœur le verbiage des vieux, on les déclare « majeurs ».

En face de toute chose ou de tout mot qui se présente à nous, nous n’avons pas la permission d’éprouver ce que nous pourrions et voudrions éprouver, par exemple, le nom de Dieu ne peut pas nous inspirer des pensées drôles, des sentiments irrespectueux, il nous est prescrit et indiqué ce que nous devons penser et sentir et comment nous le devons.

Mon âme et mon esprit sont réglés de la façon dont les autres l’entendent, non comme moi-même je le voudrais, tel est le sens du salut de l’âme. Que de peine il faut devant tel ou tel mot pour arriver à se procurer un sentiment propre, pour pouvoir rire au visage de celui qui attend de nous une attitude sainte et une mine contrite. Tout ce qui nous est suggéré nous est étranger, ne nous est pas propre, c’est « chose sacrée » et il est difficile de bannir la terreur sacrée que nous éprouvons devant.

On entend aujourd’hui de nouveau l’éloge du « sérieux », « ce sérieux qu’exigent les sujets et actions de haute importance ». Ce genre de gravité exprime clairement combien vieilles et graves sont devenues la folie et l’obsession. Car il n’y a rien de plus sérieux que le fou quand il en vient au point essentiel de sa folie ; devant l’objet de son zèle, il n’entend plus raillerie (voyez les maisons de fous).