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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/107

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là une foi solide chez ceux qui employaient toutes les forces de leur esprit à le reconnaître et à le représenter. Le sentiment de l’absolu existe d’abord comme donnée et arrive seulement après aux manifestations les plus multiples de soi-même. Ainsi dans Klopstock le sentiment religieux fut une donnée qui n’aboutit qu’à la manifestation artistique de la Messiade. Si au contraire la religion qu’il trouva devant lui n’avait été qu’une incitation au sentiment et à la pensée, et s’il avait pu se poser en face d’elle comme individualité, il en eût décomposé et absorbé l’objet. Il se borna à poursuivre dans l’âge mur ces sentiments puérils qu’il avait reçus dans l’enfance et gaspilla ses forces d’homme à orner ces puérilités.

Il faut ainsi distinguer entre les sentiments qui me dont donnés et ceux qui sont seulement éveillés en moi. Ces derniers sont mes sentiments propres, égoïstiques, parce qu’ils n’ont pas été imprimés en moi, annoncés et imposés comme sentiments, tandis que je me prélasse sur les premiers, que je les soigne en moi comme ma part d’héritage, que je les cultive, que j’en suis possédé. Qui donc, plus ou moins consciemment, n’a pas remarqué que toute notre éducation a pour objet de faire naître en nous des sentiments, de nous les suggérer au lieu de laisser ce soin à nous-mêmes quoi qu’il arrive ? Entendons-nous le nom de Dieu, nous devons ressentir en nous la crainte divine, celui de Sa Majesté le Roi, nous éprouvons les sentiments de respect, vénération, soumission, le nom de la Morale, nous pensons à quelque chose d’inviolable, le nom du Mauvais, nous tremblons, etc. C’est à ces sentiments que l’on tend et quiconque par exemple éprouverait de la satisfaction aux actes du « Mauvais » devra être