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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/144

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et d’aller se planter dans la mer (Luc 17, 6) enfin faire tout ce qu’il est possible de faire, c’est-à-dire tout ce qu’on peut imaginer « Toute chose est possible à qui a la foi[1] » Je suis le Maître du monde. La « souveraineté » m’appartient. Le monde est devenu prosaïque, car le Divin a disparu de lui : il est ma propriété dont je dispose comme je (c’est-à-dire l’Esprit) l’entends.

Je me suis donc élevé à posséder le monde ; ç’a été la première complète victoire de l’égoïsme, il avait vaincu le monde, il s’en était délivré, et enfermait sous de solides serrures l’héritage d’une longue suite de générations.

La première propriété, la première « souveraineté » est conquise !

Cependant le maître du monde n’est pas encore maître de ses pensées, de ses sentiments, de sa volonté : il n’est pas maître et possesseur de l’esprit, car l’esprit est encore sacré, il est le « Saint-Esprit » et le chrétien qui s’est délivré du monde ne peut pas se délivrer de Dieu. Si l’antique combat fut dirigé contre le monde, le combat médiéval (chrétien) fut la lutte contre soi, contre l’esprit ; si le premier eut pour objet le monde extérieur, le second s’attaqua au monde intérieur ; c’est le « retour sur soi-même », l’examen réfléchi, la méditation.

Toute sagesse des anciens est philosophie ou sagesse du monde, toute sagesse des modernes est théologie.

Les anciens (y compris les Juifs), en avaient fini avec le monde, il s’agissait maintenant d’en finir avec soi-même, avec l’esprit, c’est-à-dire de se libérer de l’esprit ou de Dieu.

  1. Saint-Marc, 9, 23.