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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/145

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Depuis bientôt deux mille ans nous travaillons à soumettre le Saint-Esprit, nous lui avons peu à peu arraché des fragments de sainteté que nous avons foulés aux pieds, mais le gigantesque adversaire se redresse toujours, il reparaît sous des formes et sous des noms différents. L’esprit n’est pas encore dépouillé de son caractère divin, saint, consacré. À la vérité, il y a longtemps qu’il ne voltige plus comme une colombe au-dessus de nos têtes, il n’est plus le privilège unique des saints et se laisse prendre aussi par les laïques ; mais comme esprit de l’humanité, comme esprit de l’humain, c’est-à-dire comme esprit de l’homme il demeure toujours pour toi, pour moi, un esprit étranger bien loin qu’il soit notre propriété absolue dont nous puissions disposer à notre guise. Pourtant une tendance est apparue qui a dirigé visiblement la marche de l’histoire après J.-C. ; ce fut la tendance à humaniser l’esprit saint, à l’approcher des hommes ou à en approcher les hommes. Il s’ensuivit qu’il put être enfin conçu comme « l’esprit de l’humanité », et prit un aspect plus plaisant, plus intime, plus accessible.

Ne devait-on pas penser que maintenant chacun pourrait posséder le Saint-Esprit, accueillir en soi l’idée de l’humanité, la réaliser en soi, lui donner un corps ?

— Non l’esprit n’est pas dépouillé de son caractère sacré et est demeuré intact, hors de notre portée. Il n’est pas notre propriété, car l’esprit de l’humanité n’est pas mon esprit. Il peut être mon idéal et en tant que pensée je le nomme mien. La pensée de l’humanité est ma propriété, et je le prouve suffisamment en la maniant absolument comme il me plaît, en lui donnant aujourd’hui telle forme, demain telle autre ; nous nous la représentons de la façon la plus variée.