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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/240

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Il a été parlé plus haut d’égoïsme et de désintéressement. Les amis de la liberté s’emportent contre l’égoïsme, parce que dans leur lutte religieuse pour la liberté, ils ne peuvent se libérer du sublime « renoncement à soi-même ». L’égoïste s’attire les fureurs du libéral parce qu’il défend une cause non pour la cause en soi, mais pour lui-même : c’est la cause qui doit le servir. Parmi les traits les plus révoltants du procédé égoïste on entend souvent citer l’étude professionnelle en vue du pain quotidien comme la plus haute profanation de la science : mais à quoi bon la science si elle ne sert à cela ? Si quelqu’un n’en sait rien tirer de plus que son pain quotidien son égoïsme est mince, parce que le pouvoir de cet égoïste est borné, mais il n’y a qu’un possédé qui puisse reprocher là-dedans l’égoïsme et la profanation de la science.

Le christianisme, en se montrant incapable de faire prévaloir l’individu comme unique, en le concevant comme dépendant, ne fut pas autre chose qu’une théorie sociale, une théorie de la vie en commun de l’homme avec Dieu aussi bien que l’homme avec l’homme ; pour lui, tout ce qui appartenait en propre à l’individu devait tomber dans le pire discrédit : intérêt personnel, opinion personnelle, volonté personnelle, individualité, amour-propre, etc. La conception chrétienne a peu à peu flétri des mots qui à l’origine étaient très honorables, pourquoi ne les remettrait-on pas en honneur ? Ainsi le mot schimpf (insulte), avait anciennement le sens de schers (raillerie), car le sérieux chrétien ignore l’esprit folâtre et ne comprend pas la plaisanterie ; frech (impudent), signifiait autrefois hardi, vaillant ; frevel (méfait), voulait dire seulement action téméraire. On sait quelle