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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/241

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apparence louche eut longtemps le mot « raison ».

Ainsi notre langue s’est assez bien formée au point de vue chrétien et la conscience générale est encore trop chrétienne pour ne pas reculer effrayée devant tout ce qui n’est pas chrétien, comme devant une chose imparfaite ou mauvaise. D’où le courroux contre l’ « intérêt personnel ».

« Intérêt personnel » au sens chrétien signifie à peu près ceci : je m’occupe seulement de savoir si telle chose peut me servir comme homme matériel. Mais la matérialité renferme-t-elle tout ce qui m’est propre ? Suis-je à moi-même quand je m’y abandonne ? Quand je lui obéis, est-ce à moi-même que j’obéis, à ma propre détermination ? Je suis ma propriété quand ce n’est ni la matérialité, ni autre chose (Dieu, les hommes, les chefs, la loi, l’État, l’Église, etc.) qui m’a en son pouvoir, mais moi-même ; mon intérêt personnel poursuit ce qui est utile à moi, mon maître, à moi qui m’appartiens en propre.

D’ailleurs on se voit à chaque instant obligé de croire à l’égoïsme qui de tout temps fut honni, comme à une puissance qui domine tout. Dans la séance du 10 février 1844, Welcker soutint une motion sur l’indépendance des juges déplaçables, remerciables, remplaçables et pensionnables, bref, que tous les membres d’un tribunal exposés, par la seule voie administrative, à des réductions de traitement et à la disgrâce, ne présentent aucune garantie et perdent entièrement l’estime et la confiance du peuple. Le corps entier de la magistrature est absolument démoralisé par cette dépendance. Autrement dit, les juges trouvent mieux leur compte à porter leurs sentences dans le sens