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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/260

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ce soit Dieu ou l’Homme qui exerce la puissance divine, qu’il subsiste, en faveur de Dieu ou de l’Homme quelque chose de sacré, cela n’altère pas la crainte de Dieu, car l’homme est vénéré comme « être suprême, » comme Dieu l’est au point de vue spécialement religieux, et réclame à ce titre notre crainte et notre respect ; tous deux nous en imposent.

Depuis longtemps la crainte de Dieu est bien ébranlée, et un « athéisme » plus ou moins conscient, extérieurement reconnaissable à un « anticléricalisme » de plus en plus étendu est devenu involontairement la note dominante. Seulement ce que l’on a pris à Dieu a été conféré à l’homme et la puissance de l’humanité s’est accrue proportionnellement à ce que la piété a perdu : « l’homme » est le Dieu d’aujourd’hui, et la crainte de « l’homme » a pris la place de l’antique crainte de Dieu.

Mais parce que l’homme ne représente qu’un autre être suprême, l’être suprême n’a fait que se métamorphoser et la crainte de l’homme n’est qu’un autre forme de la crainte de Dieu.

Nos athées sont des gens pieux.

Si à l’époque dite féodale nous recevions tous un fief de Dieu, nous avons dans la période libérale le même rapport féodal avec l’Homme. Dieu était le Seigneur, maintenant c’est l’Homme ; Dieu était le médiateur, maintenant c’est l’Homme ; Dieu était l’esprit, maintenant c’est l’Homme.

Dans ce triple rapport, le régime féodal a subi une déformation. Aujourd’hui nous recevons d’abord de l’Homme tout-puissant notre puissance qui, venant d’un être supérieur, ne s’appelle pas puissance ou force mais « droit » . Ensuite nous recevons de lui en fief