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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/292

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fouillais les entrailles du droit ; du moins j’avais laissé subsister le mot. Mais en fait, en même temps que le concept disparaît, le mot perd son sens. Ce que je nommais « mon droit » n’est plus du tout « droit » parce que seul un esprit peut distribuer le droit, que ce soit l’esprit de la nature, celui de l’espèce, de l’humanité ou l’esprit de Dieu, celui de Sa Sainteté ou de son Altesse. Ce que j’ai sans un esprit qui m’y autorise, je l’ai sans droit, je l’ai seulement et uniquement par ma puissance.

Je ne réclame aucun droit, c’est pourquoi je n’ai besoin d’en reconnaître aucun. Ce que je peux acquérir par la force, je me l’acquiers ; sur le reste, je n’ai aucun droit, quand bien même j’irais faire jactance de mon droit imprescriptible.

Avec le droit absolu disparaît le droit lui-même, le règne de « l’idée du droit » est en même temps aboli. Car il ne faut pas oublier que, jusqu’à ce jour, des concepts, des idées ou des principes nous ont dominé, et que parmi ces maîtres, le concept du droit ou le concept de la justice a joué un rôle des plus importants.

Que j’aie droit ou non, peu m’importe ; si seulement j’ai la force, je suis par là même autorisé et je n’ai besoin d’aucune autre autorisation.

C’est le droit, c’est la fêlure, c’est le coup de hache dont un fantôme nous a gratifiés ; — la force c’est moi-même, je suis le fort et propriétaire de la force. Le droit est au-dessus de moi, absolu, il existe dans un être supérieur, qui me le distribue comme une faveur : le droit est un don gracieux du juge ; force et puissance n’existent qu’en moi, le fort, le puissant.