Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/321

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il n’en est apparu nulle part, parce que ce n’est pas une vie nationale. Carrière se combattit lui-même page 10 : « La pure humanité ne peut être mieux représentée que par un peuple remplissant sa mission. » Mais ce n’est que le caractère national qui se manifeste ainsi. « L’universalité vague est inférieure à une forme déterminée, circonscrite en soi, constituant un tout et qui est un membre vivant de la chose vraiment universelle, de la chose organisée. » Or c’est précisément le peuple qui est « universellement vague » et c’est seulement l’homme qui est « la forme circonscrite en soi ».

L’impersonnalité de ce qu’on appelle « peuple », « nation » éclate encore dans ce fait qu’un peuple qui veut de son mieux manifester son moi, place à sa tête un souverain sans volonté. Il se trouve dans l’alternative ou bien d’être soumis à un prince qui ne réalise que soi et son bon plaisir individuel — et alors c’est cet arbitraire qu’il reconnaît dans le « maître absolu » et non sa propre volonté, la volonté du peuple — ou de placer sur le trône un prince qui ne manifeste pas de volonté propre ; il a alors un prince sans volonté qui pourrait parfaitement être remplacé par une horloge bien réglée. Si l’on regarde plus loin, il apparaît évident que le moi-peuple, est une puissance impersonnelle, « spirituelle », la loi. Il s’ensuit nécessairement que le moi du peuple est un fantôme, non un moi. Je ne suis moi que parce que je me fais moi, c’est-à-dire qu’aucun autre ne me fait ; je dois être mon œuvre propre. Mais comment en va-t-il avec le moi-peuple ? C’est le hasard qui fait les destinées du peuple, qui lui donne tel ou tel seigneur de par la naissance, qui lui procure ses maîtres élus ; « le peuple souverain » n’est pas son propre produit, comme je