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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/351

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quand je me donne ma valeur, que je m’attribue mon prix moi-même, c’est seulement alors que le paupérisme peut être aboli. Je dois me révolter, me soulever pour m’élever.

Ce que je produis, farine, toile, ce que je tire péniblement de la terre, fer, charbon, etc., c’est mon travail et je veux le mettre en valeur. Mais je peux me plaindre longtemps que mon travail ne soit pas payé à sa valeur : le payeur ne m’écoutera pas et l’État demeurera apathique jusqu’à ce qu’il croie devoir me soulager afin que je ne me manifeste pas soudain violemment et que je ne fasse pas usage de ma force redoutée. Mais il s’en tiendra à ce « soulagement » et s’il me vient à l’idée de demander plus, l’État me fera sentir de toute sa force sa patte de lion et sa griffe d’aigle : car il est le roi des animaux, il est lion et aigle. Si je ne suis pas satisfait du prix qu’il fixe pour ma marchandise et pour mon travail, si je cherche plutôt à déterminer moi-même le prix de mon produit ; autrement dit, si je cherche à « me faire payer », je tombe aussitôt en conflit avec l’acheteur. Si ce conflit se résolvait par un accord des deux parties, l’État ne ferait gère d’objection, car peu lui importe comment les individus s’arrangent entre eux, tant qu’ils ne se mettent pas en travers de sa route. Pour lui, le mal et le danger commencent seulement quand ils ne s’accordent plus et qu’ils se prennent aux cheveux, n’ayant pu s’entendre. L’État ne peut supporter que l’homme soit en rapport direct avec l’homme ; il faut qu’il marche entre eux comme intermédiaire, il faut qu’il intervienne. Il est devenu ce que fut le Christ, ce que furent les Saints, l’Église, il est l’intermédiaire : il sépare l’homme de l’homme pour se placer au milieu comme