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Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/46

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rejetées par les chrétiens comme sans valeur ; ce que ceux-là reconnaissaient comme étant le vrai, est flétri par ceux-ci comme vain mensonge : la haute signification de la Patrie disparaît et le chrétien doit se considérer comme un « étranger sur cette terre[1] », le saint devoir de la sépulture, thème d’un chef-d’œuvre comme l’Antigone de Sophocle, est un soin misérable aux yeux des chrétiens : « que les morts ensevelissent leurs morts ; » l’inviolable vérité des liens de famille est représentée comme une non-vérité « dont on ne saurait trop tôt s’affranchir[2] » et ainsi en tout.

S’il est maintenant établi que dans les deux camps le contraire prévaut pour vérité, pour les uns la Nature pour les autres l’Esprit, les choses et les rapports, terrestres pour les uns, célestes pour les autres (la patrie céleste, la Jérusalem d’en haut, etc.), il reste cependant à examiner comment les temps nouveaux et un renversement évident de toutes les vérités antérieures ont pu sortir de l’antiquité. Mais les anciens eux-mêmes ont travaillé à faire de leur vérité un mensonge.

Prenons l’époque la plus brillante de l’antiquité, le siècle de Périclès ; alors l’éducation sophistique de l’époque faisait de rapides progrès, et la Grèce traitait comme chose légère ce qui jusque-là avait été pour elle d’une extrême gravité.

Trop longtemps les pères avaient été asservis à la puissance de l’état de choses existant auquel on n’osait toucher, pour quel les générations suivantes n’eussent pu apprendre aux amères expériences du passé à prendre conscience d’elles-mêmes. Hardiment les sophistes proclament cette parole fortifiante : « Ne t’en laisse pas

  1. Aux Hébreux, 11, 13.
  2. Saint-Marc, 10, 29.