Aller au contenu

Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que fut-elle pour chacun ? Elle ne fut absolument pour chacun que ce qu’il en fit. Pour celui qui n’en fait rien, elle n’est rien pour lui ; pour celui qui s’en sert comme amulette, elle a exclusivement la valeur d’un charme magique ; pour celui qui, comme les enfants, joue avec elle, elle n’est qu’un jouet, etc.

Maintenant le christianisme demande qu’elle soit pour tous la même chose, autrement dit le Livre sacré, « la Sainte-Écriture ». Cela signifie que la manière de voir du chrétien doit être aussi celle des autres hommes et que personne ne peut se comporter autrement relativement à cet objet. Par là donc la particularité du rapport est détruite, un seul sens, une seule opinion est fixée comme étant « la vraie », « la seule vraie ». Avec la liberté de faire de la Bible ce que l’on veut, est abolie en même temps a liberté de Faire, au sens général du mot, et, à sa place, s’établit la contrainte d’une opinion ou d’un jugement. Celui qui porterait le jugement que la Bible fut une longue erreur de l’humanité porterait un jugement criminel.

En fait l’enfant qui met une Bible en lambeaux, ou joue avec, la juge, de même l’Inca Atahualpa qui y applique son oreille et la rejette dédaigneusement parce qu’elle reste muette, tous deux la jugent aussi justement que le prêtre qui loue en elle « la parole de Dieu » ou le critique qui l’appelle un livre mal fait et l’œuvre d’une main humaine. Car l’usage que nous faisons des choses ne regarde que notre fantaisie, notre arbitraire : Nous en usons à notre gré, ou plus précisément nous les employons comme nous pouvons. Les prêtres jettent les hauts cris quand ils voient comment Hegel et les théologiens spéculatifs tirent du contenu de la Bible des pensées spéculatives.