Aller au contenu

Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/98

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordonnée et s’achève jusqu’à devenir religion. L’être jusqu’ici subordonné à l’Être suprême, l’homme, a escaladé les hauteurs de l’absolu, et nous nous comportons envers lui comme envers l’Être suprême, nous devenons religieux. Morale et piété sont désormais synonymes, comme au commencement du christianisme, seulement l’Être suprême est devenu autre, une sainte manière de vivre n’est plus « sainte » mais « humaine ». Quand la morale a vaincu, le changement de maître est consommé.

Ayant anéanti la foi, Feuerbach s’imagine pouvoir se réfugier au port présumé sûr de l’amour. « La loi première et supérieure doit être l’amour de l’homme pour l’homme. Homo homini Deus est — tel est le principe pratique supérieur, le point tournant de l’histoire du monde.[1] » À proprement parler, il n’y a ici que le Dieu de changé, il est devenu amour ; là amour du dieu surhumain, ici amour du Dieu humain, de l’homme devenu Dieu. Ainsi l’homme m’est sacré, et tout ce qui est « véritablement humain » m’est sacré ! « Le mariage est saint par soi-même. Il en est ainsi de tous les rapports moraux. Sacrée est et doit être pour moi l’amitié, sacrée la propriété, sacré le mariage, sacré le bien de tout homme, mais sacré en soi et pour soi.[2] » Ne retrouve-t-on pas là le prêtre ? Quel est son Dieu ? L’homme ! qu’est-ce que le Divin ? l’humain ! Ainsi le prédicat n’a fait que se transformer en sujet ; au lieu de la proposition « dieu est amour », on dit « l’amour est divin ». Au lieu de « Dieu s’est fait homme » on dit « l’homme s’est fait Dieu », etc. Il n’y a qu’une nouvelle religion. C’est seulement quand les rapports moraux

  1. Wesen des Christenhums. Zw. Auflage, S. 402.
  2. XX, 403.