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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/128

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prodigue, de l’intérêt qu’on y prend, comme un artiste à son œuvre. Il en avait vraiment à toute chose.

Moi. — Certes, le bel Être ! Ah, s’il avait duré…

Lui. — Au moins le temps que je dure. Il faut avoir quelqu’un pour qui se laisser prendre à l’illusion du monde. Voici trop longtemps, qu’à moins de jouer sur la scène aux côtés de mon amour, j’ai vu derrière le rideau : j’ai regardé sur l’abîme que la toile dissimule.

Moi. — Un unique désir doit vous rester, il me semble : le sauver de l’oubli.

Lui. — Lui donner autant de vie que j’en puisse avoir moi-même ? Vous demandez trop.

Moi. — Ne raillez pas si amèrement. Ce n’est rien, je le sais. Ce rien fait pourtant tout l’espace de nos joies et de nos dou-