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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/220

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l’offense qui lui est faite, c’est la cause et pourquoi je tremble. La corruption de cette chair, ce n’est pas la sienne, je le sais : Il n’est plus là désormais ; mais j’y suis, moi ; j’y hante, hélas, je la suis. Cette horreur est mienne, jusqu’à ce que je l’aie moi-même subie si pleinement que je l’oublie.

Ne me dites rien contre son cadavre. Ne cherchez pas à m’en éloigner. Ce cher corps est tout ce que j’ai. Les soirs, où la terre est de glace sous la lune, je frémis de penser qu’elle est bien dure à ses os. Et quand il pleut interminablement, je pleure de savoir qu’il a si froid, et de son dégoût à sentir sur soi ce linceul de fange. Vous hochez la tête, et me blâmant : « C’est parler comme une femme », faites-vous. Comme une femme,