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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/89

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La vie n’a que deux antennes pour tâter la mort qui l’épouvante, et qui stupéfie sa croyance : l’extrême amour, et la passion de la beauté. La méditation de la beauté et la vue de la mort ont des profondeurs mitoyennes : c’est dans les régions du total amour, soit qu’il délire, soit qu’il perde son sang par quelque incurable blessure. L’excès de la vie fait l’excès de la mort. Nous avons ainsi nos deux palpes de peur.

La pensée de l’homme abhorre la mort, comme tous ses sens y répugnent. Les hommes aiment peu ; ils se préfèrent toujours chacun à tout : c’est afin de vivre et de se dérober à la mort. Le grand amour est le profond connaisseur de la mort. Dans ce bref délire, commun à tous les êtres, les hommes, d’un coup de foudre, s’ébranlent sur la mort, et d’un autre coup