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Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/93

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elle n’avait pas marqué, entre les millions de créatures, celle qui m’était unique et préférable à toutes. J’avais été déchiré, déjà ; j’ai cru périr ; mais il me restait ce que je n’imaginais pas pouvoir jamais perdre. Et j’ai vécu ; j’ai cédé, moi aussi, à la sainte lâcheté de la vie. Puis donc, j’ai été frappé, une autre fois, dans tout ce qui me reste. J’ai vu la mort, comme si je ne l’avais jamais vue. Elle ne m’est pas révélée : elle me révèle à moi-même. Quoi ? le monde continue ; tout est tel ; et moi, j’ai tout perdu. Je finis, moi-même, de me perdre. Et tout est tel. L’atrocité sereine du néant, voilà l’espace où tourbillonnent ces étincelles, les mondes de notre action, la sphère de nos cœurs, tous ces vains atomes.

Qui voit la mort dans sa plénitude, il n’a que trois partis : Mourir. Ou croire à la