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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/119

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hâta d’ajouter en soupirant madame San-Privato. Il a eu cette nuit un accès de cette maudite maladie ; elle a sur lui d’autant plus de prise, qu’il est d’une santé très-délicate, ce pauvre enfant.

— Plus de doute, — se dit Charles Delmare, — la comédie est convenue entre le fils et la mère. On va tourner en ridicule la robuste santé de Maurice, je devine.

— Mon cher Albert, — reprit madame Dumirail avec intérêt, — si tu te trouves indisposé, nous remettrons à demain notre course au chalet.

— Pardon, ma mère, — dit Maurice, — mais je crois, au contraire, que l’air vif et pur de la montagne ne saurait être que très-salutaire à Albert.

Puis, s’adressant à son cousin :

— Crois-moi, mon ami, en arrivant là-haut sur les plateaux, ta migraine se dissipera comme par enchantement.

— Je le pense ainsi que toi, mon bon Maurice, le grand air me sera favorable, — répondit San-Privato. — Je suis vraiment aussi confus que reconnaissant de tant de témoignages de bonté ; mais je serais désolé de mettre le moindre obstacle à cette charmante partie, dont je me promettais, dont je me promets encore tant de plaisir… Il est assez pénible de subir les tristes conséquences d’une santé débile sans en faire souffrir les autres : ce serait le comble de l’égoïsme.

— Ah ! chère belle-sœur, — ajouta madame San-Privato s’adressant à madame Dumirail d’une voix doucereuse, — combien vous êtes heureuse d’avoir un fils d’une santé si florissante ; mais regardez-le donc, ce bon Maurice, avec ses belles et fraîches couleurs, est-il gros et gras ! est-il fort ! quelle carrure ! quelle poitrine !… que dis-je ?… quel poitrail ! c’est vraiment un Hercule !

Et, d’une voix plus doucereuse, madame San-Privato reprit :

— Heureuse mère que vous êtes, chère belle-sœur ! Hélas ! j’envie pour mon pauvre petit Albert quelque peu de cet énorme excédant de santé dont n’a que faire, assurément, notre bon gros Maurice. Mais voyez donc, quel contraste entre ces chers enfants ! est-il assez remarquable ?

Madame San-Privato, en prononçant ces derniers mots, jeta les yeux et naturellement tous les regards se portèrent sur les deux cousins assis à côté l’un de l’autre… Albert maudit à part soi l’intempérance de langage et l’étourderie sénile de sa mère ; elle agissait très-malhabilement ; car, ayant un service à demander à