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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/131

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— N’avais-tu pas ton fils avec toi ? n’était-ce pas là le meilleur des porte-respect ? Mais laissons cela, ce qui est fait est fait ; venons à cette confidence qui, dis-tu, te pèse… Quelle est-elle ?

— J’ai à te demander un conseil.

— Simplement un conseil ?

— Oui, mon frère.

M. Dumirail se sentit allégé d’une appréhension pénible à son cœur ; il regretta d’avoir soupçonné madame San-Privato d’être venue le voir uniquement guidée par un intérêt personnel, et reprit avec bonne humeur :

— Je t’écoute, chère Armande, et ne suis point, tu le sais, avare de conseils ; souvent je t’en donne alors même que tu ne m’en demandes pas ; il est vrai que, généralement, tu ne les suis guère, de sorte qu’il y a compensation. Eh bien, ce conseil ?

— Je dois d’abord t’avouer que les dernières propriétés qui me restent sont hypothéquées ; l’échéance de payement est fixée à la fin de ce mois, et, si je ne puis opérer ces remboursements, je serai expropriée, mes biens seront vendus, sans doute, à vil prix !

— Je devais depuis longtemps m’attendre à cette catastrophe, cependant elle me cause une cruelle surprise ! — s’écria M. Dumirail péniblement affecté. — Voilà donc le résultat de ton incurable faiblesse : la ruine ! la ruine !

— Ah ! sage et tendre frère, — reprit madame San-Privato appelant à son aide des larmes hypocrites et portant son mouchoir à ses yeux, — maintenant, hélas ! je reconnais la justesse des sévères remontrances que tu m’as tant de fois adressées dans mon intérêt…

— Il est bien temps !

— Mes regrets sont inutiles, je le sens ; je subirai la position que m’a faite mon imprévoyance ; mais il me faut tâcher d’échapper à l’expropriation dont je suis menacée ; c’est à ce sujet que j’ai besoin de ton conseil.

— Eh ! quel conseil veux-tu que je te donne ? Il n’est qu’un moyen d’échapper à l’expropriation : rembourser tes créances hypothécaires.

— C’est à quoi je suis résolue.

— Et les fonds de ce remboursement ?

— Je trouve à emprunter à sept pour cent d’intérêt ; c’est à ce sujet, mon frère, que je voudrais avoir ton avis. Le taux de l’intérêt te paraît-il trop élevé ? me conseilles-tu d’accepter cette offre ?