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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/199

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— Vous trouvez ?

— Oui, je trouve cela… et à cela j’ajouterai ceci… méditez ces paroles : Vous possédez mon secret ; l’empire qu’il vous a jusqu’ici donné sur moi vous prouve que je ne vis au monde que pour ma fille et par ma fille.

— Je sais cela ; aussi je compte user, cher monsieur Delmare, et même cruellement abuser de votre tendre paternité. Elle est l’axe autour duquel gravitent tous mes desseins.

— Vos calculs pourraient être trompés.

— Comment donc, de grâce ?

— Voici : ne vivant que pour ma fille, il suit de là que, si je la perdais… or, pour moi, la perdre, c’est être séparé d’elle… il suit de là, dis-je, que, si je la perdais, ma vie, n’ayant plus de but, me deviendrait insupportable ; mais je ne la quitterais pas sans me donner la satisfaction grande de vous tuer comme un chien… après quoi…

— Vous vous brûleriez galamment la cervelle ?

— Probablement.

— Monsieur Charles Delmare, vous êtes homme d’esprit, de cœur et de résolution… je vous rends cet hommage… vrai ! Si j’avais eu le choix d’un ennemi mortel, digne de moi, c’est vous qu’entre mille j’aurais désigné… Cela convenu, et sans m’arrêter à votre menace de me tuer comme un chien, l’actualité primant les futurs contingents, je m’empresse de vous déclarer que, quant à présent du moins, il dépend de vous de n’être point séparé de Jeane, si vous exécutez fidèlement mes instructions. Or, pour vous, rien de plus facile. Les voici : mon oncle et ma tante ont en vous une confiance absolue ; cette confiance, Jeane et Maurice la partagent. Or, il faut… vous entendez bien… il faut… que cela soit, car je le veux… il faut, premièrement, que le mariage de Maurice et de Jeane soit indéfiniment ajourné.

— Et puis ?

— Il faut, secondement, que, avant un mois, pour tout délai, Maurice, accompagné de son père ou de sa mère, vienne à Paris, ne fût-ce que pour y résider huit jours… J’ajouterai que, selon toute probabilité, les circonstances faciliteront tellement votre tâche, que, si vous ne l’accomplissiez point, il y aurait évidemment, de votre part, plus que du mauvais vouloir.

— Est-ce tout ?

— Oui, cher monsieur Delmare, c’est, quant à présent, tout ce que j’exige de vous.

— C’est modeste !