Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nais, Dieu merci, depuis longtemps vos sentiments à mon égard…

— Eh ! monsieur, la nature de ces sentiments ne peut-elle pas avoir changé ?

— De grâce, que voulez-vous dire ?

— Je veux dire, monsieur, puisqu’il faut parler net, qu’un véritable ami ne cherche pas, ainsi que vous le faites aujourd’hui, à jeter la discorde entre le père et le fils, entre l’épouse et le mari.

— Moi, grand Dieu !

— Vous, monsieur !

— Ah ! mon ami ! — s’écria madame Dumirail, — pouvez-vous adresser un pareil reproche à M. Delmare ! Vous n’y songez pas ! Non ! non, ce serait le comble de l’ingratitude.

— Vous voyez, monsieur, vous voyez le fruit de votre intervention obstinée dans nos plus chers intérêts de famille ! — dit amèrement M. Dumirail à Charles Delmare ; — ma femme m’accuse d’ingratitude en présence de mes enfants, et il n’a pas tenu à vous que mon fils ne m’accusât de déraison ; peut-être comprendrez-vous enfin, monsieur, que…

— Il suffit, monsieur, je me retire, — répondit Charles Delmare avec une dignité triste. — Vous regretterez bientôt un moment d’emportement dont je suis, non pas blessé… mais cruellement affligé… parce que de cet emportement je connais la cause, après tout, honorable. Adieu, monsieur ; soyez-en certain, je ne me souviendrai jamais que de la douce cordialité de nos relations pendant les trois années que j’ai eu l’honneur d’être reçu dans votre famille.

Et, s’adressant à madame Dumirail et aux deux fiancés, Charles Delmare quitta la chambre en disant :

— Adieu, madame ; adieu, mademoiselle Jeane ; adieu, mon cher Maurice !


XLIII

M. Dumirail, après la sortie de Charles Delmare et pendant le moment de stupeur douloureuse où une rupture si imprévue je-