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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/244

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— Mon Dieu !… laissez-moi vous dire…

— Inutiles paroles !… Est-ce oui ?… est-ce non ?

— Eh bien, non ! — s’écria Jeane, les yeux pleins de larmes et vaillamment fidèle à sa conviction ; — non… non… cent fois non ! Je mourrai fille, mais je n’aurai pas concouru à faire volontairement le malheur de Maurice et le mien. Ah ! mon oncle ! si vous saviez, si vous saviez…

— Ce que je sais me suffit, ma pauvre enfant, — reprit M. Dumirail, qui, malgré son aberration passagère, se sentait ému de la courageuse abnégation de la jeune fille, à laquelle il était sincèrement affectionné ; — tu le vois, et, ainsi que je te l’ai dit… toi… toi seule devais mettre un invincible obstacle à un mariage qui comblait nos vœux… Qu’il en soit donc ainsi ! Je déplore ta funeste obstination ; mais tu ne perds rien dans mon estime, tant s’en faut. Seulement, je dois te dire qu’en tout état de cause, soit que mon fils reste ici, soit qu’il suive une autre carrière, il n’est plus convenable, il n’est plus possible, tu le comprends toi-même, que, nos projets de mariage étant rompus, tu continues d’habiter avec nous ; j’aviserai, d’ailleurs, aux moyens de te caser de façon à ce que tu regrettes le moins qu’il se pourra notre maison, devenue pour toi, chère fille, la maison paternelle, — ajouta M. Dumirail attendri. — Mais je veux croire que la réflexion t’éclairera ; j’attendrai jusqu’à demain ta réponse définitive. Je ne te demande d’ailleurs nullement de garder envers Maurice le secret de notre entretien. Agis à ce sujet comme bon te semblera. Je t’en adjure de nouveau, chère Jeane, réfléchis mûrement, et j’espère encore que ta résolution sera telle que je la souhaite pour notre bonheur à tous.


XLIV

Quatre jours après que s’étaient passées les scènes précédentes, Geneviève filait son rouet dans la cuisine et se disait, essuyant ses yeux rougis par des larmes récentes :