— Eh bien, il semble, à cause des présages, que l’on ne reverra plus au Morillon, ni madame, ni son fils, ni mademoiselle Jeane… car… Mais vous allez rire de moi, mère Geneviève…
— Je n’ai pas le cœur à la risée… Allez… Josette continuez.
— Figurez-vous donc que les chouettes nichées dans le vieux donjon du Morillon se sont, toute la nuit durant, mises à crier, à gémir, tandis que nos chiens de garde hurlaient à la mort !… Non, jamais, voyez-vous, mère Geneviève, on n’entendra hurler la mort d’une manière si terrible ; aussi le vieux Gervais nous disait ce matin : « Mauvais présage pour nos maîtres, qui s’en vont à Paris… mauvais présage pour eux et pour nous !… Qui sait si nous les reverrons ? »
— Ah ! Josette, « Chien qui hurle à la mort, annonce le mauvais sort, » dit le proverbe en mon pays, — répondit Geneviève en frissonnant ; — et ils n’ont jamais tort les proverbes.
— Adieu, mère Geneviève !… Voilà votre brave fieu, comme vous dites, — reprit Josette voyant s’approcher rapidement Charles Delmare, à qui elle fit sa plus belle révérence.
Puis elle traversa l’allée du jardin et s’éloigna.
XLV
Charles Delmare, douloureusement préoccupé, s’aperçut à peine de la présence de Josette, et se laissa tomber sur l’un des escabeaux de la cuisine, en disant avec accablement :
— Je n’ai pu entrevoir, depuis trois jours, ni madame Dumirail… ni Maurice… ni ma fille… personne !
— Mon Charles… du courage !… — dit la nourrice tâchant de raffermir sa voix ; — il t’en faut, du courage… Josette, en m’apportant pour toi cette lettre de M. Dumirail, m’a dit ce qui se passe au Morillon… Ils partent pour Paris.
— Qui cela ?
— M. Maurice, sa mère et ta Jeane !
— Ils partent ?…