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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/246

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— Qu’avez-vous donc, mère Geneviève ?

— Rien… rien… Mais, dites-moi, est-ce que M. Dumirail est aussi du voyage ?

— Non, il reste au Morillon ; il ira rejoindre plus tard madame à Paris.

— Et la famille… quand part-elle ?

— Dans deux heures.

— Dans deux heures ?

— Au plus tard. On est allé chercher des chevaux de poste à Nantua. Madame voulait prendre la diligence… mais j’ai entendu monsieur lui dire : « Mon fils peut bien voyager en poste comme mon neveu ; on reconduira ainsi la calèche que ma sœur a laissée. »

— Josette, est-ce que madame, M. Maurice et mademoiselle Jeane ont l’air content de quitter le pays ?

— Tant s’en faut ! Madame a pleuré toute la nuit, et elle a eu une espèce d’attaque de nerfs, m’a dit Mercienne…

— Et mademoiselle Jeane ?

— Elle a l’air triste à mourir.

— Et M. Maurice ?

— Lui ?… Il n’a pas l’air si malcontent que sa mère et mademoiselle Jeane. Il a dit à Gervais, qui l’aidait à faire sa malle : « Je vais donc enfin le voir, ce fameux Paris !… Je ne le désirais pas, tant s’en faut ! je préférais nos montagnes ; mais une fois que l’on y est, ce doit être curieux à voir, cette grande ville… seulement, je regrette de partir si vite, je n’ai pas d’autre habit de ville que mon costume noir qui date de dix-huit mois. — Oh ! monsieur Maurice, les tailleurs ne vous manqueront pas à Paris, a répondu Gervais ; votre papa a fièrement de quoi les payer… les tailleurs ! — Je me ferai certainement habiller à neuf en arrivant, a ajouté M. Maurice. Je ne veux pas avoir l’air trop provincial… »

Et, s’interrompant, Josette ajouta, pensive et attristée :

— Savez-vous une chose, mère Geneviève ?

— Qu’est-ce ?…

— Tout le monde, au Morillon, a le cœur gros, bien gros, en voyant s’en aller madame, M. Maurice et mademoiselle Jeane… parce que, d’abord, faute d’eux, la maison va paraître bien ennuyeuse à ceux qui y restent… et puis…

— Et puis… Josette ?

— Mère Geneviève… croyez-vous aux présages ?

— Assurément…