Aller au contenu

Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pourquoi vendre ces nécessaires, mon fieu ? Tu y tiens beaucoup ! c’est tout ce qui te reste du temps de ta jeunesse et de ta richesse… Vends plutôt ma petite rente…

— Te dépouiller, pauvre bonne mère !… peux-tu croire que jamais ?…

Et, répondant à un geste suppliant de Geneviève :

— Jamais ! te dis-je, — ajouta Charles Delmare. — Mais le temps passe… Il faut absolument que tu tâches de remettre ma lettre à madame Dumirail avant son départ… Va, nourrice, va et reviens vite.

— Je n’oublierai rien, — répondit Geneviève en prenant à la hâte sa mante et sortant précipitamment ; — avant une heure, je serai de retour ici.

 

Madame Dumirail reçut la lettre de Charles Delmare au moment où elle allait quitter le Morillon avec sa nièce et Maurice.

Le lendemain, le père de Jeane, abandonnant une solitude qui lui avait été si chère, se mit, à son tour, en route pour Paris, dans l’espoir d’y retrouver sa fille.


XLVII

Antoinette Godinot, née Renard, à peine âgée de dix-sept ans, avait, au bout de quelques mois de mariage, abandonné son mari, M. Godinot, avoué en province, et suivi un beau garçon assez riche et chef d’escadron, en garnison dans la petite ville où M. Godinot exerçait son office. Sa femme, trouvant son nom conjugal trop vulgaire, se fit, en arrivant à Paris, appeler d’abord madame de Montrésor.

Cette créature était et devait être surtout plus tard une femme hors ligne, puisqu’il est des phénomènes de toute sorte. Douée d’une beauté incomparable, d’un esprit naturel, vif, brillant, hardi, d’un caractère inflexible dans le mal, mais qu’au besoin elle savait plier avec une incroyable souplesse à tous les faux de-