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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/262

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— Oui, Richard… et cette preuve, si vous me la donnez…

Madame de Hansfeld s’interrompit ; mais son silence, l’expression de ses traits ravissants, le coup d’œil fixe et hardi qu’elle jeta sur M. d’Otremont, complétèrent la pensée qu’elle n’avait émise qu’à demi, et l’ardent amoureux, enivré, palpitant, s’écria :

— Antoinette, je vous le jure ! tout ce qu’il est humainement possible à un homme de faire, je le ferai ! Ordonnez ! je suis à vous, tête et bras, âme et sang !

— Ah ! Richard, Richard ! plus que jamais je comprends maintenant vos succès auprès des femmes ! Quel dévouement, quel cœur intrépide que le vôtre !

— De ce cœur, de ce dévouement, disposez en souveraine ! Je suis à vous, je ne m’appartiens plus ! Dieu me damne ! vous m’avez ensorcelé !

— Le secret de ma sorcellerie est bien simple, je vous…

— Achevez… oh ! achevez !

— Non, soyons sages… parlons raison…

— Est-ce possible quand vous me rendez fou ?

— Allons, Richard, encore une fois, soyez raisonnable ! Revenons à cette preuve d’amour que j’attends de vous.

— Je vous écoute.

— Il est bientôt trois heures. Il va venir ici… un jeune homme… un très-jeune homme.

— Quel est-il ?

— Vous le saurez, puisque je vous le présenterai, mon cher Richard.

— À moi ?… Et dans quel but ?

— Afin que vous soyez charmant pour lui.

— Et pourquoi voulez-vous que je sois charmant pour ce petit jeune homme ?

— Ce petit jeune homme a près de six pieds.

— Qu’importe sa taille ! Et, encore une fois, pourquoi voulez-vous que je me mette en frais d’amabilité envers un inconnu ?

— Parce que cela me plaît, apparemment.

— Mais enfin, ma chère Antoinette, je…

— Voyez… déjà vous hésitez à m’obéir… mon pauvre Richard, et vous prétendez m’aimer !…

— Quoi ! cette preuve d’amour que vous me demandez consiste à me montrer aimable pour cet inconnu ?

— Oui, d’abord ; mais j’exigerai tout à l’heure davantage.

— Toujours au sujet de ce monsieur ?

— Toujours.