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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/261

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— Allons, ne vous contentez pas de me désespérer, raillez-moi. Maudit soit le jour où je vous ai connue !

— Que voilà une galante manière de répondre à mes bontés… à moi… qui, ce matin, vous ai écrit un charmant billet pour vous prier de passer chez moi cette après-midi !

— Vous vouliez être certaine de pouvoir, à heure fixe, torturer notre victime ?

— Non, Richard, non ; je voulais vous donner l’occasion de me prouver cet amour passionné dont vous m’entretenez souvent, et auquel je voudrais croire, parce que, si j’y croyais…

— Que feriez-vous ?

— Fi ! l’indiscret, le curieux, il veut me forcer de rougir ! — reprit madame de Hansfeld avec un accent de coquetterie provocatrice dont Richard fut transporté. — Vous demander une preuve d’amour… n’est-ce point déjà trop significatif ?

— Ah ! si je pouvais ajouter foi à vos paroles, combien je serais heureux !…

— Soyez donc heureux, Richard ! car je parle sérieusement, très-sérieusement.

— Tenez, au risque de passer à vos yeux pour un niais… j’admets que vos paroles sont sérieuses… Cette preuve d’amour, quelle est-elle ?… dites… oh ! dites !

— En vérité… Richard, j’hésite…

— J’en étais certain… vous vous moquiez de moi.

— Vous vous méprenez sur la cause de mon hésitation.

— Cette cause ?

— Mon ami, il me serait pénible de vous voir, par votre refus, déchoir de la haute opinion que j’ai de votre courage.

— Antoinette, ce seul doute est pour moi une offense. Richard d’Otremont est de ceux-là qui ne reculent devant qui que ce soit ou devant quoi que ce soit

— Vous êtes d’une bravoure éprouvée, je le reconnais ; vos nombreux duels vous ont rendu redoutable, et, chez un homme, la vaillance est auprès des femmes une puissante séduction. Je le sais mieux que personne.

— Ah ! si vous disiez vrai ! — s’écria Richard, troublé par le regard enchanteur dont Antoinette accompagna ses dernières paroles, — si vous disiez vrai !

— N’en doutez pas… Mais aussi j’ajouterai que les plus intrépides, l’épée à la main, manquent parfois de courage moral.

— C’est donc une preuve de courage moral que vous attendez de moi ?